Dans le cadre du lancement des candidatures pour la 7ème édition du festival « Regards croisés », nous sommes allés à la rencontre de Mireille MALOT, Présidente de l’Association L’Hippocampe et créatrice du festival.
Mireille Malot, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis avant tout maman d’une fille atteinte du syndrome de Rett et lourdement handicapée, ce qui fut le commencement de mes différents combats.
J’ai d’abord créé l’Association Française du syndrome de Rett, dont je fut la Présidente durant 12 ans puis j’ai développé un réseau d’aide pour les familles, appelé IRIS initiative. Avec celui-ci, nous avons mis en place deux projets importants, qui ont été des réussites et dont je suis fière : un concours de Bande Dessinée pendant le Festival International d’Angoulême, qui en est à sa 17e édition, et avec l’aide de Patrice LAGISQUET, la création de la fonction des auxiliaires de vie scolaire. Ce projet a depuis été repris par l’Education Nationale.
Un petit mot sur le concours de BD
Ce concours s’adresse à tous les enfants, adolescents et adultes porteurs d’un handicap quel qu’il soit. Il a aussi été à l’origine de la création de l’ESAT des « Arts Graphiques » dont les premiers résidents furent primés à Angoulême. Cet établissement, spécialisé dans la création graphique, mis en place avec l’aide de l’Adapei de Charente, a obtenu un agrément pour 5 travailleurs.
Le Festival Regards croisés ?
En 2007 nous avons imaginé avec Patrice DREVET, vice-Président de l’Association Hippocampe, un festival de courts-métrages qui permettrait aux jeunes en situation de handicap de parler de leur vie au travail sous un format vidéo de 6 mn. Cette idée est progressivement devenue une réalité et la première édition du festival« Regards croisés » a eu lieu en 2009 à Nimes.
Nous en avions déjà testé la faisabilité l’année précédente dans le cadre du festival « Métiers d’Art », organisé par Patrice DREVET à Pézenas. Une première expérience riche d’enseignements car créer, monter, imaginer un festival n’est pas évident en soi. Depuis, le Festival grandit année après année, et en 2015 ce sera le 7èmerendez-vous de cet évènement qui se tiendra les 1er et 2 octobre prochain.
Que désiriez-vous promouvoir en imaginant ce Festival de court-métrages ?
Toucher les décideurs économiques : mon but est de les sensibiliser aux problématiques du handicap, leur montrer que les personnes en situation de handicap possèdent des compétences, qu’ils peuvent complétement s’insérer dans le monde entrepreneurial, qu’ils ne sont pas un moins mais bien souvent un plus, qu’ils sont assidus au travail, que le handicap n’empêche pas le talent.
Cela sous-entend-il qu’au travers de ce Festival la culture est synonyme d’émancipation et d’intégration pour les personnes en situation de handicap ?
Tout à fait, ils peuvent s’exprimer, d’ailleurs le seul maitre mot de L’Hippocampe est de donner la parole aux personnes handicapées ; « Regards croisés » est leur Festival et c’est pour eux qu’il fut conçu. Les personnes handicapées doivent s’exprimer, développer des talents trop souvent insoupçonnés et reprendre confiance en eux.
Vous en êtes à la 7ème édition, vous avez donc un certain recul… Pourriez-vous nous indiquer si l’évolution du Festival est conforme à ce que vous imaginiez ?
Non je ne pensais pas qu’il se développerait aussi vite, nous en sommes à 700 personnes accueillies, une quinzaine d’ESAT se sont déplacés en 2014. Nous sommes toujours en « petit comité », nous avons besoin d’être encore plus soutenus bien que je désire que ce Festival reste un festival à taille humaine, avec un bel état d’esprit. Le plus important, que le public accueilli s’y sente bien, que cela le fasse rêver car il y côtoie des membres du cinéma français (pour mémoire l’année dernière notre présidente était Agnès Jaoui).
Les prix sont aussi un élément très important pour les participants, ils s’apparentent à une caresse, être récompensé induit une valeur que l’on ne soupçonne même pas. Il est en effet extrêmement rare que les personnes handicapées se sentent autant valorisées pour leur talent, pour ce qu’ils sont tout simplement.
Auriez-vous une petite anecdote ou une jolie histoire sur le Festival ?
Les entreprises en ressortent transformées ! Prenons l’exemple d’Audiens, leur participation a créé une unité, une émulation phénoménale à l’intérieur de l’entreprise. Des salariés handicapés, dont la direction n’avait pas connaissance, sont venus les voir en leur demandant de faire des films, permettant ainsi à une jeune femme en fauteuil d’être mieux considérée, de se retrouver moins isolée, aujourd’hui ses collègues l’aident, l’accueillent à leur table. Elle m’a dit « ce festival est une vraie lumière, il a changé mon quotidien dans l’entreprise ».
Auriez-vous un message à délivrer aux entreprises pour qu’elles s’inscrivent ?
Oui, pour les entreprises les effets positifs se trouvent en interne. Réaliser un film concernant un salarié, c’est communiquer, c’est parler de leur entreprise différemment, y amener une autre vision, porter des valeurs de respect, de tolérance et signifier que chacun a sa place dans le tissu social, quelle que soit sa différence.
Et pour les établissements, quel est intérêt de présenter un court-métrage ?
Il s’agit avant tout de leur donner de la visibilité. Je reviens de Bayonne où a eu lieu une projection de films du festival dans un cinéma de la ville, la salle était pleine, beaucoup de personnes handicapées étaient présentes et les réactions furent vraiment positives.
L’intérêt est aussi pour leurs équipes. Réaliser un court-métrage leur permet de s’investir dans un projet de soutien créatif, riches de liens, de belles histoires humaines et fait prendre conscience aux travailleurs de leurs capacités. Le festival est un lieu d’échange où les établissements se croisent. Par exemple des travailleurs de l’Esat de BEAUNE vont se rendre prochainement dans le Sud visiter un autre établissement rencontré lors de Regards croisés, des liens se sont créés…
Pour toutes ces raisons, je n’ai qu’un seul message : faites-nous des films !